Le Hanout, gardien de la solidarité : quand l’épicier du coin devient le bienfaiteur des quartiers
En parcourant les ruelles des quartiers populaires marocains, un commerce modeste attire toujours l’attention : le hanout, cette petite épicerie de quartier qui veille comme un ange gardien sur la communauté. Mais derrière ses étals chargés de denrées diverses se cache une tradition méconnue : le carnet de crédit sans intérêt, un système de solidarité discret qui sauve quotidiennement les familles en difficulté.
1. Le hanout, bien plus qu’une simple épicerie
Le hanout est le cœur battant du quartier. Ouvert tôt le matin jusqu’à tard le soir, l’épicier connaît chaque client par son prénom, ses habitudes, et souvent… ses difficultés. Contrairement aux supermarchés impersonnels, ici :
- On vend à l’unité (un œuf, un sucre, une tomate) pour s’adapter aux budgets serrés
- On fait crédit en période de vaches maigres
- On devient confident et parfois médiateur des problèmes du quartier
2. Le carnet magique : du crédit sans intérêt, entre humanité et valeurs religieuses
Au cœur du système de crédit du hanout se trouve une tradition profondément ancrée dans la culture et la spiritualité marocaines. Bien plus qu’une simple pratique commerciale, c’est un acte de solidarité inspiré par les principes de l’Islam, où l’intérêt (riba) est interdit et où l’entraide (takaful) est encouragée.
Comment ça marche ?
- Le carnet de crédit : Un simple cahier où l’épicier note discrètement les dettes des clients en difficulté. Pas de contrat, pas de pénalités, juste une confiance mutuelle.
- Pas d’intérêts, jamais : Par conviction religieuse et humaine, le hanout ne profite pas de la détresse. « Allah voit tout », disent souvent ces commerçants.
- Remboursements flexibles : En argent quand c’est possible, en services (courses pour des personnes âgées) ou même en nature (aide au magasin).
Exemple poignant : Fatima, mère veuve de trois enfants, raconte : « Pendant le Covid, quand mon mari est mort, c’est le vieux Mohand au hanout qui nous a nourris pendant 4 mois. Il disait juste ‘Paie quand tu pourras’… »
3. Une nouvelle vague de solidarité : les donateurs anonymes
Depuis quelques années, un mouvement touchant émerge :
- Des groupes de bienfaiteurs se présentent spontanément chez les épiciers
- Ils demandent : « Y a-t-il des femmes seules, des vieillards ou des familles qui ne peuvent pas payer leurs dettes ? »
- Sans connaître les bénéficiaires, ils règlent leurs ardoises sur la simple parole du hanout
- Certains ajoutent même : « Ne leur dites pas que c’est nous, dites que c’est une aubaine »
Exemple récent à Salé : Un collectif de jeunes professionnels a liquidé en une matinée les dettes de 17 familles identifiées par un épicier. « Ces gens souffrent déjà assez sans avoir à rougir devant leurs bienfaiteurs », explique l’un d’eux.
Pourquoi ça marche ?
✅ Le hanout fait office de filtre social – il connaît les vraies détresses
✅ La discrétion préserve la dignité des bénéficiaires
✅ C’est la Zakat (aumône) : moderne dans la forme, pure dans l’intention
À souligner : Cette pratique inédite montre comment les valeurs traditionnelles s’adaptent merveilleusement aux défis contemporains, créant une chaîne de bonté où chacun joue son rôle :
- L’épicier comme sentinelle sociale
- Les donateurs comme anges gardiens invisibles
- Le quartier comme réseau de sécurité humaine
« Le vrai crédit, c’est celui qui ne s’inscrit pas seulement dans un carnet, mais dans le cœur des gens. » – Un vieil épicier de Fès
4. Une économie parallèle de survie
Ce système informel comble les failles du système bancaire :
✅ Pas de paperasse ni de conditions impossibles
✅ Adapté aux revenus irréguliers des travailleurs précaires
✅ Maintient la dignité – on emprunte sans mendier
5. Un modèle en voie de disparition ?
Avec l’arrivée des supérettes modernes et des paiements digitaux, cette tradition s’érode. Pourtant, dans les périodes de crise (pandémie, inflation), c’est toujours vers le hanout que les gens se tournent en premier.
Le saviez-vous ? Certains épiciers organisent même des collectes anonymes : les clients aisés peuvent « payer un peu plus » pour couvrir les dettes des plus pauvres.
Conclusion : L’héritage invisible des hanoutes
Ces commerçants incarnent une philosophie perdue : le business comme acte de fraternité. Dans un monde obsédé par la rentabilité, ils nous rappellent que le véritable développement commence par la préservation du lien social.
Vous avez des souvenirs de hanoutes solidaires ? Partagez-les en commentaire !